vendredi 29 mai 2015

Paroles de femmes  

Jeudi 4 juin à 18h30
Espace des diversités et de la laïcité
- Projection du film-documentaire de Carol Mansour, 
« Not who we are »
Cinq femmes syriennes réfugiées au Liban, luttent au quotidien et tentent de reconstruire leur vie détruite par la guerre.

Témoignages de militantes syriennes réfugiées à Toulouse
Intisar Alkhatibsituation actuelle des femmes en Syrie
Jouhaina Hamzamariage forcé des mineures
Nahed Badawia, journaliste et militante pour les droits humains

La soirée sera clôturée par les chants des Chôraleuses
***


Organisé par l’association Karavan, en partenariat avec l’APIAF
 (Association, Promotion Initiatives des femmes) 
et le Collectif Toulouse Syrie Solidarité



samedi 9 mai 2015

L'exil des Syriens - la Syrie terre d'exil  


Yassin Al Haj Saleh

Texte de l'intervention de Yassin Al Haj Saleh à Toulouse lors de la rencontre autour de son livre "Récits d'une Syrie oubliée", à l'Espace des Diversités et de la laïcité le 9 avril 2015.  


Il m'est toujours difficile de me réconcilier avec le mot « exil ». Je le percevais avec l'oeil du prisonnier, puis avec l'oeil de celui qui vit dans le pays. A ce moment-là ce mot me semblait représenter une expérience loin d'être la plus dure parmi d'autres que vivaient les Syriens, ou simplement un terme dans le dictionnaire d'intellectuels de la classe moyenne qui se sont éloignés de la lutte et ont inventé cette notion d'exil pour se plaindre.
Cette difficulté continue encore aujourd’hui, car moi-même ainsi que d'autres Syriens dont je citerai des exemples plus loin, sommes déchirés entre l'exil et le pays brisé, où nous avons des gens que nous aimons et qui souffrent d'une situation plus dure que la nôtre : l'enlèvement et la prison.

Il fut un temps où l'exil n'était moins pire que la prison ; généralement, il était moins dur que la vie dans le pays. Les Syriens étaient (entre guillemets) « exilés »  au sein même de leur pays, sans droits politiques, ni protection juridique, ni aucune vie culturelle indépendante. Même leur vie sociale ne dépassait pas les cercles des relations de parenté. Ils ont préservé leur humanité autant que faire se pouvait. Ils ont également préservé quelques marges et espaces agréables, sauf qu'ils ont fait leur la logique de situations politiques abusives et injustes qui les empêchaient de dire la vérité concernant presque toutes les affaires importantes. Non seulement que la plupart d'entre nous n'ont pas eu de vie politique, mais nous n'avons pas eu, non plus, de réels repères moraux. Nous avons été empêchés de faire ce à quoi nous croyons, et il a été imposé à un grand nombre d'entre nous de faire des choses auxquelles nous ne croyons pas.

C'est pour cela que le terme « exil » , et ce jusqu'au début de la révolution, voire même après mon départ de la Syrie, constituait à mes yeux une sorte de raillerie vis-à-vis de ceux qui sont restés dans le pays. C'est sans doute pour cette raison précisément : à savoir que le pays lui-même est une prison ou peu s'en faut, que manifestement les Syriens ont très peu utilisé la notion de l'exil, ou qu'ils ont peu cherché à en explorer le sens, malgré le fait qu'ils étaient nombreux à vivre cette expérience pendant des décennies, ou pendant toute leur vie. Il semblerait également que cette notion d'exil ne représente pas une expérience où les Syriens puissent se reconnaître ou à laquelle s'identifier vraiment.

Aujourd'hui, il y a plus de 4 millions Syriens qui ont été contraints à quitter le pays. Sont-ils des exilés ? Ils sont plutôt des réfugiés qui ont réussi à se sauver et échapper à la mort. Ce qui, pour l'instant, constitue leur identité est : franchir et transgresser les frontières des pays ; l'arrachement et le déplacement ; se propulser loin sans pouvoir construire une nouvelle vie. 
Certains n'ont pas réussi à se déplacer à l'intérieur même du pays. Mon ami Ismael Hamed se préparait avec sa famille à quitter Raqqa. Il ne pensait pas être exposé à un autre danger que celui  des bombardements aveugles des avions du régime , et ce avant son enlèvement par Daesh le 2 novembre 2013.
C'est le cas de plusieurs, dont Samira Al Kahlil, mon épouse. Notre porjet était qu'elle me rejoigne à Raqqa, puis partir tous les deux dans un quelconque « exil »,car on avait réalisé que Raqqa n'était « une patrie » (entre guillemets) possible pour nous.

L'exil n'est pas une situation pour ceux dont la vie a été brisée et qui vivent dans les camps de réfugiés, sans quoi ils seraient morts de faim. L'exil n'est pas une situation pour l'épouse d'Isamel Hamed et leurs enfants (elle est actuellement en France après la Turquie). L'exil n'est pas non plus une situation pour l'épouse de mon frère Firas (kidnappé par Daesh depuis 21 mois) et leurs fils (actuellement en Turquie). Ces gens sont tous contraints et forcés de vivre en dehors de leur pays. Leurs cœurs sont avec leurs proches enlevés à l'intérieur ; sans aucune nouvelle d'eux.


Je ne me reconnais pas non plus dans la notion de l'exil lorsque Samira est toujours enlevée à l'intérieur du pays sans aucune nouvelle d'elle depuis plus d'un an. Je ne sais pas comment définir cette condition de vie ! Mais en tout cas, c'est plus dur que l'exil et la prison, et ce que tout ce que j'ai pu éprouver jusqu'à présent.

Le déracinement et l'arrachement sont une expérience syrienne qui perdure.La guerre, la tuerie et la torture continuent aussi  à l'intérieur du pays. Ces épreuves empêchent l'exil de devenir une condition de vie indépendante. Elles nous empêchent de nous considérer uniquement comme des exilés.
Pourtant, l'exil est la situation de beaucoup de Syriennes et de Syriens dont la vie ne s'est pas brisée de la même façon que d'autres. Ils vivent éparpillés partout dans le monde. Leur expérience se focalise de plus en plus sur cet exil où ils tentent d'installer leur vie loin du pays.

Ce que je trouve éprouvant dans cette nouvelle expérience est le fait que d'une part, elle nous échappe, on a du mal à la maîtriser, et on manque crucialement de repères stables pour pouvoir la comprendre et l'organiser ; d'autre part, nous n'avons aucun guide valable pour savoir vivre cette vie d'exil. C'est peut-être l'aspect le plus rude de l'expérience : le sentiment de la dislocation. Sentir que tu es situé nulle part ; sans balises pour pouvoir t'orienter. Que tu es emporté par un déferlement et que tu n'arrives pas à maîtriser ton sort.
En fait, le déracinement et le déplacement ne sont peut-être pas les épreuves les plus dures dans l'expérience de l'exil. Le plus dur est plutôt la difficulté de construire un endroit pour soi que nous pouvons quitter, nous en éloigner puis y revenir. La patrie est peut-être cet endroit personnel qu'on appelle « chez soi », dont le sens s'élargit à travers l'expérience de le quitter et d'y retourner.

Cependant, il me semble que nous pouvons développer un antidote à la poison de cette expérience. Le premier élément de cet antidote est l'amitié. Ce qui m'a beaucoup aidé en Turquie c'était de rencontrer des amis que j'avais déjà connus à Damas. Les amis arrachent l'étrangeté du lieu. Ils offrent ainsi des points de repères aidant à se déplacer. Le lieu se définit donc moins en tant qu'exil. Les amis nous aident à construire nos identités, nos rôles et nos vies dans des conditions toutes nouvelles et difficiles.

Il y a un autre antidote très efficace contre la fracture de notre vie : c'est le travail.
Je ne peux pas arrêter de travailler. Le travail m'aide à bien tenir ma vie, même dans ces conditions très stressantes. Il constitue en même temps un point qui me relie au pays.
Travailler dans l'écriture, et avec des partenaires sur des projets communs qui concernent la Syrie, permet de rester en liaison avec les autres Syriens, et avec notre vie avant la rupture que représente l'exil. De cette manière, nous essayons de construire une patrie là où nous sommes.
L'écriture elle-même était mon identité lorsque j'étais en Syrie. Ce n'était pas seulement un travail qui me permettait de vivre matériellement parlant. C'était une manière  d'analyser le monde et de s'y orienter. Voire  y être.  L'écriture était une patrie choisie.

Le troisième antidote : apprendre la langue du pays où l'on est exilé. Ce n'est pas parce que, comme dit un vieux proverbe arabe peureux : « Celui qui apprend la langue d'un peuple évite son mal ». Mais parce qu'apprendre la langue du pays a le même effet que l'amitié. Il permet de décoder ce nouvel univers de vie, de réduire le sentiment d'y être étranger, et de l'apprivoiser plus facilement. Ce qui voudrait dire : lui enlever sa caractéristique d'être un exil. J'avoue par contre, qu'au sujet de l'apprentissage de la langue, je n'ai pas fait grand chose. Je n'ai rien appris de la langue turque d'une façon méthodique. C'est comme si je résistais au fait de considérer mon exil choisi, et il est vraiment choisi, comme une patrie de substitution temporaire. En fait, la langue anglaise résout une partie du problème. C'est la langue parlée des étrangers.


Le quatrième antidote est trouver un « chez soi ». Il y a quelques semaines, une jeune amie, écrivaine, qui avait quitté le pays il y a deux ans et demi après une expérience de détention très dure, m'a dit qu'elle avait passé une année très difficile à Beyrouth ; elle était brisée intérieurement et n'arrivait pas à se poser. Un peu plus tard, elle s'est installée dans un logement indépendant ; dès lors elle a été plus productive et a réussi à mieux accepter sa nouvelle vie.
Je me suis installé dans un logement indépendant peu après mon arrivée à Istanbul. J'y travaille et il me permet une intimité indispensable. Cet espace personnel est très utile pour le dialogue avec soi et aide à assimiler calmement les nouvelles expériences. La maison est un endroit indispensable pour digérer nos expériences. Mais est-ce que ces logements sont-elles un « chez soi » ? Dans notre vie de déplacés, nous n'avons qu'elles pourtant.
Il arrive que la chaleur des maisons soit parfois étouffante. Malgré cela, le pire est que nous soyons sans maisons, ou que l'on soit obligé de les quitter.

Je crois que le plus dur dans l'expérience de l'émigration forcée est la perte de son chez-soi, de cette sphère privée où l'on peut assimiler notre vie et digérer nos expériences. C'est le cas d'un grand nombre de Syriens : la perte de son chez-soi se lie à une fissure dans la mémoire et non seulement à la perte du point de retour, ni à la déchirure des liens sociaux et naturels.
Lorsque Daesh s'est emparé de notre maison familiale à Raqqa, ma sœur Refa'a a considéré cela comme le vol de nos souvenirs. La maison est importante pour la mémoire. Nous quittons la maison et nous y retournons ; de la même façon notre mémoire palpite de « va-et-vient » entre les recoins et les secrets de nos maisons, et le présent.
La nostalgie est liée aux maisons puisque ces dernières sont les lieux de l'intimité et de tout ce qui est personnel ; constituant de la sorte des liens qui attachent les habitants de la même maison et qui les différencient des autres. 
A ce niveau, je ne peux pas me plaindre. Certes, Samira et moi n'étions pas propriétaires d'une maison en Syrie, mais nous avons habité dans une maison pendant 7 ans consécutives. Et avant, nous avions occupé deux maisons sur des durées beaucoup plus courtes. Mais depuis son enlèvement, il y a déjà un an et 4 mois, Samira est devenue la référence de ma mémoire. Ma maison perdue et ma cause.

Lorsque j'étais en Syrie, j'avais l'habitude de dire que je n'avais pas de raisons personnelles pour me plaindre, mais que je n'avais pas non plus de raisons générales pour être satisfait.
Ce qui a changé après la révolution, et ce que nous avons subi comme destruction, ce n'est pas quelque chose en rapport avec la plainte et la satisfaction uniquement. Ce qui a changé c'est que le privé est devenu très public et le public très privé. Le privé est devenu politique et le politique privé. En fait c'est le cas de tout et partout. Sauf que dans le cas syrien, c'est doublé et écrasant.
Après l'enlèvement de Samira et avant elle mon frère Firas, ainsi que des amis très proches, il n'existait presque plus d'espace personnel. Cet effacement approximatif de ce qui est personnel peut servir de définition aux émigrés de force, qu'ils assument ou non l'empreinte politique de leur vie.
Pour ma part, je l'accepte parfaitement. Je voudrais que la politique fonde dans la vie. Que ce qui est public se forme de manière à ce qu'il soit sensible aux situations des personnes, à leurs choix et aux drames de leurs vies. Que ce qui d'ordre public soit humain.

Traduit de l'arabe par Rawa Pichetto 

Photos : Rawa Pichetto

vendredi 8 mai 2015

L'espoir – sa fragilité et sa force

Yassin Al Haj Saleh

Texte de l'intervention de Yassin Al Haj Saleh à Toulouse lors de la rencontre autour de son livre "Récits d'une Syrie oubliée", à l'Espace des Diversités et de la laïcité le 9 avril 2015. 

1-

En 1992, alors que mes deux frères et certains amis venaient de sortir de prison, l'un de mes frères, accompagné d'un autre ami sont venus me rendre visite en prison. A l'époque, les visites étaient interdites. Mais la tyrannie a toujours des failles : le geôlier était complice, ce qui a permis que je puisse leur parler à travers les fenêtres de notre quartier, alors qu'ils étaient debout dans la cour de la prison. Mon frère avait été emprisonné pendant 6 ans et notre ami plus de 11 ans. Tous les deux avaient retrouvé la « liberté » quelques semaines plutôt, à cette époque-là. Je ne sais plus qui d'entre eux avait dit cette phrase inoubliable : «  Lorsque j'étais en prison, j'avais l'espoir d'en sortir. Je suis sorti, mais je n'ai plus d'espoir ! »
Cette phrase m'a beaucoup peiné. Non parce que j'imaginais la vie en rose en dehors de la prison, mais parce que je sentais que l'espoir est quelque chose que l'on se donne, quelque chose qu'on s'efforce à cultiver pour qu'il reste avec nous et se développe. Dans la langue arabe, il y a homophonie partielle entre le mot « espoir » et le mot « travail » ; par contre, au niveau du sens, ils ont une liaison très forte. L'espoir stimule l'esprit. Il n’est ni un passe-temps ni une attente de l’esprit, comme le dit Al Toughra’î dans son poème « Lamiyatu l’ajam) même s'il n'est pas également un travail dont le chemin est déjà tracé et qui conduit à un résultat précis et connu d'avance.
Le travail très organisé, s'approchant du fonctionnement d'une machine, ne comporte pas d'espoir car il ne présage d'aucune éclosion, d'aucune naissance ni d'aucune création.


L'espoir n'est pas non plus une espérance. Lorsqu'on éprouve le sentiment de l'espérance, on s'adresse à une force à l'extérieur de nous-mêmes. Tandis que l'espoir a sa source en nous.



En prison, sans but précis au début, je m'étais créé des occasions pour espérer, qui m'ont permis de résister au désespoir. Malgré le fait que j'avais suffisamment désespéré à certains moments. Je crois que l'expérience carcérale m'a servi de vaccin contre le désespoir. Car en prison, j'avais souvent été atteint d'un désespoir bien profond. Mais grâce à l'apprentissage, l’acquisition des savoirs et à la réflexion, la prison est devenue une émancipation, comme je l'ai dit dans mon livre. C'est une libération des prisons intérieures. A l'intérieur de la prison, j'ai changé et je me suis régénéré. A mon avis, c'est le degré le plus intense de l'espoir : une nouvelle vie et une nouvelle jeunesse.


L'espoir est également la fabrication de l'âge, et une manière de reporter la mort. L'âge n'est pas vraiment ce temps limité que nous avons durant notre vie. L'âge est ce que nous bâtissons  dans ce monde, et ce que nous produisons avec nos propres limites. L'apogée de l'espoir est que notre âge soit un florilège de plusieurs vies en une, et une édification.



2-

Le problème avec l'espoir est qu'il est petit, fragile. Alors que nous avons besoin de lui constamment, lui, il a besoin de toute notre force, et de tout ce que nous pouvons réunir en nous comme intelligence et imagination afin que cet espoir reste avec nous et s'épanouisse. Le souci qu'a l'espoir avec nous c'est que nous l'abandonnons facilement devant tout obstacle, et nous nous laissons aller au désespoir.
L'une des origines de la fragilité de l'espoir est la certitude que la mort est au bout. Mais l'espoir lui-même ne meurt pas. Il reste avec nous en dépit de cette certitude. Car l'espoir est la réplique de la vie.

A l'instar de la vie qui est un ensemble d'actes de résistance face à la mort, l'espoir est un ensemble d'actes de résistance face au désespoir. Ces actes sont la volonté, la pensée et l'imagination. L'espoir est ainsi une faculté qui enveloppe l'action humaine renouvelée sans que cette dernière soit liée à un déterminisme historique, ou une destinée divine, ou la nature même des choses. Nous ne sommes pas condamnés à l'espoir, comme l'avait dit notre maître le dramaturge syrien Saad Allah Wannous . L'espoir est un choix et non une fatalité ; ce n'est pas non plus une habitude. C'est un choix rude. C'est notre choix de résister à tout ce qui nous domine : les pouvoirs, les traditions, les pensées. De renouveler notre pensée et notre vie, de nous renouveler nous-mêmes tout en travaillant à essayer de changer le monde afin qu'il devienne plus juste et plus libre. Plus apte à produire de plus amples espoirs.

L'espoir est certes un acte de résistance à la fois individuel et collectif. Sauf qu'il y a des systèmes sociaux et politiques qui ne permettent pas de créer l'espoir. Ce sont des systèmes désespérés ou générateurs de désespoir ; ils œuvrent aussi à le répandre.
Si nous voulons nous libérer de la tyrannie, si les Syriens se sont insurgés contre l'état assadien, c'est parce qu'il est bel et bien un état anti-espoir. L'état assadien a affaibli la capacité des Syriens à construire et à conduire leur vie. Alors que, par ailleurs, leurs destins sont fabriqués et administrés par les managers, bruts et terrifiants, de l’hégémonie. Ce qui par la suite, crée des conditions favorables à la reproduction du désespoir.
L'espoir est la réplique de la vie comme il est la réplique de la liberté. Les gens créent l'espoir proportionnellement à leur degré de liberté. Les systèmes sociaux producteurs d'espoir sont ceux qui garantissent la plus grande liberté au plus grand nombre d'individus. La liberté s'entend comme la liberté de l'esprit et de la pensée, la liberté d'imaginer, de sortir des habitudes, et de rendre la vie plus originale, et non seulement la liberté au sens politique et juridique, pas plus qu'au sens économique (la suffisance matérielle). L'espoir ne peut pas s'accommoder avec des situations précises, ni avec les habitudes figées.
La vie figée dans un modèle fixe, a l'effet d'une machine bien réglée ; elle empêche ainsi toute éclosion et toute nouvelle naissance ; de la sorte elle exclue l'espoir. Son effet ressemble également à celui de la certitude de la mort et de l'anéantissement, si ce dernier s'empare du vivant.

La liberté, l'espoir et la vie forment une triade et marchent ensemble. En face, il y a une autre triade : la tyrannie, le désespoir et la mort. Comment espérer alors que nous sommes déjà morts ? Comment éprouver du plaisir à vivre alors que nos âmes sont appelées à mourir ?, demande le poète Abou al Atahia. Pourtant, nous n'espérons que parce que nous  sommes mortels, nous résistons à notre mort et ne cessons de la retarder.
En s'interdisant de prendre plaisir à vivre, Abou al Atahia meurt aujourd'hui et dans tout temps, car il mourra un jour. Il lui a échappé que si nous étions destinés à vivre éternellement, nos vies seraient devenues ennuyeuses puisqu'elles n'auraient comporté aucune nouveauté, dans l'attente du rien ; des  vies dépourvues d'espoir mais remplies de certitude.
Il n'y a pas d'espoir au paradis. Il y a une abandonce ennuyeuse. Aucune éclosion non plus ni  création. La mort n'existe pas dans le paradis, mais la naissance non plus, ni aucune forme de créativité innovante. On dit que le diable n'a pas d'espoir pour aller au paradis. Mais le paradis est le « terminus » des espoirs des croyants. Il se peut que le diable, en enfer, espère un salut quelconque ou espère moins souffrir. Mais : qu'y-a-t-il après le salut ? Un infini ennui. La vie limitée est cet « espace d'espoir » dont a parlé Al Toughra’ï . Tant que nous sommes vivants, nous sommes en principe capables de créer, de produire, et d'innover. L'espoir est cette force de l'apparition du renouveau, plein de vitalité,  dans notre vie. C'est la vie de la vie, c'est la vie doublée, ce sont ces instants où nous disons que nous avons réellement vécu.

L'espoir n'existe pas non plus dans les paradis terrestres, que ce soit au nom de la religion, de la nation, de l'humanité, du libéralisme ou du socialisme. L'Union soviétique et ses avatars, étaient  des pays du désespoir. Si je reprends une formule de Marx qui dit que lorsque la philosophie se réalise elle cesse d'être philosophie, je pourrais dire que l'espoir réalisé dans le socialisme soviétique n'est plus un espoir que possèdent les gens ou pour lequel ils se battent. Il est devenu un désespoir  achevé. « L'espoir a dominé » les Russes ainsi que tous les peuples soumis à leur pouvoir ; de la sorte, il ne leur reste plus d'espoir.

Mais l'organisation qui serait l'incarnation même du non-espoir, du désespoir écrasent (absolu?), et de la triade : despotisme/désespoir/ mort, est bien Daesh. Dans cette organisation, le système est sacré. Ses règles sont basées sur des certitudes incontestables ; il s'efforce de ne laisser la moindre marge, si étroite qu'elle puisse être, à la résistance, à la liberté ou à la créativité, et ce à n'importe quel niveau de la vie. Ici, se réalise l'espoir d'un état islamique et  par conséquent il ne reste plus aucun espoir. Ici s'achève l'histoire. Le but de la vie ici est de répéter les mêmes choses jusqu'à la mort. Ce qui mènera Daesh à son péril et le fera tomber, c'est le fait qu'il représente le prototype du désespoir qui enferme la vie et les vivants dans un étau serré. Malgré cela, Daesh ne réussit pas à fermer définitivement les fenêtres de l'espoir. Les gens finissent par enfreindre le système du désespoir et à le surpasser.

3-
Les Syriens affrontent aujourd'hui des situations extrêmement dures, qui dépassent la capacité même à l'imaginer et à en faire un récit cohérent. Tout pousse au désespoir.
«  Désespérons donc pour avoir la paix ! », avait écrit le romancier jordanien Ghaleb Halsa dans son roman : «  Pleurer devant les ruines », paru au début des années 80. Cela me paraît une abdication inacceptable.
Dans cette situation générale que l'on vit tous, j'affronte personnellement, en tant que Syrien comme les autres Syriens, une épreuve plus dure que la prison . Il ne s'agit pas uniquement de l'exil, mais aussi de l'enlèvement de Samira, mon épouse, et de mon frère Firas, ainsi que certains de mes amis, sans la moindre nouvelle d'eux (depuis plus d'un an) ; de plus, la révolution s'est brisée, et le pays s'est déchiré. Reste-t-il donc aujourd'hui une place pour l'espoir ?

Sans vouloir me vêtir d'une endurance qui n'est pas à mes yeux toujours bonne, mais je ne suis pas désespéré. Se plaindre et se lamenter me répulsent profondément. En revanche, pour affronter cette situation intenable et chronique, j'apprends à être triste au lieu d'être résigné et habité par une colère aveugle.
La tristesse aide à se retrouver et à ranger l'intérieur de nous-mêmes. Et c'est ainsi que nous pouvons résister.
J'apprends aussi comment me confier à des amis. Cela aide beaucoup.
Aujourd'hui l'espoir est plus que jamais un défi et une lutte. Une lutte sans garantie, sauf celle de l'amitié et de la confiance que nous donnent les amis, celle de l'accompagnement de soi, de construire une sorte d'amitié avec soi-même, et de l'image de Samira ne me quitte pas. Je sens que sa dignité va de pair avec ma capacité à tenir.

Le travail aide beaucoup également. La lecture et l'écriture sont mes outils de travail qui me permettent d'éclaircir les choses, de produire et de vivre.

Mais, ce qui aide le plus à résister c'est bel et bien le travail commun avec les autres. Je travaille avec des amis syriennes, syriens et turques sur des projets communs très prometteurs. Nous essayons ensemble de créer des espaces plus importants pour la confiance, l'espoir et l'amitié.

Je crois qu'il est juste aujourd'hui d'orienter notre effort vers tout ce qui peut sauver l'espoir et la confiance, vers le développement de la culture de l'espoir. Cette culture ne peut être qu'une culture de l'innovation et du renouvellement, l'espoir lui-même étant le compagnon idéal de la création et du renouvellement.

Plus tard, dans un temps que je ne saurai déterminer, ce travail de résistance contre le désespoir, devrait se transformer en une résistance contre les systèmes du désespoir, en un mouvement social, politique et libérateur, qui célèbre la vie et qui affronte la tyrannie politique et religieuse.

Texte traduit de l'arabe par Rawa Pichetto 

Photos : Rawa Pichetto

mercredi 6 mai 2015

مقابلة مع ماريان بابوت وناتالي بونتان حول صدور الترجمة الفرنسية لكتاب «بالخلاص يا شباب» لياسين الحاج صالح

. ترجمت المقابلة من اللغة الفرنسية سلمى العظمة

: صدرت المقابلة باللغة الفرنسية على موقعنا بتاريخ 5 نيسان 2015
Entretien avec Nathalie Bontemps et Marianne Babut autour de "Récits d'une Syrie oubliée"

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المترجمون هم الجسور التي تحمل الكتاب من ثقافة إلى أخرى بأمان وثقة‫.‬ هي رحلة داخل الكلمات تحمل روح الكتابة إلى شاطئ لغوي آخر‫.‬ المترجمون هم أيضاً السفن التي تقلُ نصاً، تغمسه في اللغة الأخرى وتحوله وتعطيه حياة جديدة‫.‬

شكراً لمريان بابوت وناتالي بونتان لقبولهما الإجابة على أسئلتنا‫. 
رواء بيتشيتو



ناتالي بونتان من مواليد باريس ١٩٧٧‫.‬ انتقلت عام ١٩٩٩ إلى مدينة مرسيليا حيث درست اللغة العربية‫ ثم إلى دمشق عام ٢٠٠٣ لمتابعة تعليمها وبقيت فيها حتى نهاية عام ٢٠١١. عملت في مجال الترجمة الأدبية منذ ٢٠٠٩ إلى جانب عملها في تعليم اللغة الفرنسية في دمشق. مازالت ناتالي تعمل اليوم كمترجمة بالإضافة لتدريسها اللغة العربية في معهد الثقافات الإسلامية في باريس. كما أنها منخرطة في أعمال جميعة شمس لدعم شبكات التضامن في سوريا. ‬


ماريان بابوت من مواليد مدينة روبيه الفرنسية عام ١٩٨١‫.‬ درست العلوم السياسية ثم اللغة العربية في معهد اللغات الشرقية في باريس‫.‬ انتقلت عام ٢٠٠٨ للعيش في دمشق حيث عملت كمدرسة لغة فرنسية‫.‬ مع بداية الانتفاضة الشعبية في ربيع ٢٠١١ عملت كمترجمة في السفارة الفرنسية بشكل مؤقت وتعمل منذ عودتها لفرنسا بداية عام ٢٠١٢ كمدرسة لغة فرنسية داخل السجون وتتابع نشاطها في الترجمة‫.‬


رواء‫:‬ كيف نشأت فكرة ترجمة هذا الكتاب؟ ما الذي كان المحرض الأول للقيام بهذا العمل؟

ناتالي بونتان:‬ اشتريت الكتاب في بيروت عام ٢٠١٢ فور صدوره‫.‬ رغبت بترجمته فور قراءتي له لأنه يقدم رؤية خاصة جداً عن السجن وعن المجتمع السوري‫.‬أول ما لفت انتباهي هو أن الكتاب يروي طريقة خاصة جداً لاجتياز المحن 1.‬  فالتركيز في سطوره كان حول إمكانية استرداد حرية ذاتية داخلية رغم حصول أبشع ما يمكن تصوره، أي أن يمضي المرء شبابه كله في السجن‫.‬ ويقلب الكاتب المعايير لدرجة الجزم بأنه لولا هذه التجربة لما كان استطاع بلوغ هذا الحد من التحرر وما كان ليبني نظرته للعالم تلك التي باتت تعرف عن هويته الحالية‫.‬ طاقة «الاجتياز» وإعادة البناء تلك قوية جداً ووَلدت لدي رغبة أكيدة في إيصال هذا النص لغيري نظراً للمحن الفظيعة التي تواجهها سوريا حالياً‫.‬
جذب انتباهي منحىً آخر في الكتاب يكمن في الجهد الذي بذله الكاتب لتناول السجن كحالة مجتمعية و‫«‬تجربة مواطَنة‫».‬ وقد خص السجن عددا هائلاً من الناس المنتمين لجيل الكاتب لدرجة أنه بات ظاهرة اجتماعية حاول الكاتب إستحضارها مستخدماً في ذلك أدوات مستوحاة من العلوم الاجتماعية‫.‬

يجمع النص إذا ما بين الرغبة في تناول السجن كموضوع دراسة وهو الشيء الذي يتطلب أخذ المسافة اللازمة منه وبين الشهادة للتحرر، من خلال القراءة التي عاشها الكاتب والتي تمس خصوصيته العميقة‫.‬
هذا ما يجعل من الكتاب عملاً خاصاً وفريداً من نوعه رغبت فوراً في ايصاله باللغة الفرنسية‫.‬ لم يكن ذلك سهلاً، رفض عدة ناشرين المشروع‫.‬ ولكن وبعد مضي سنتين، استلم فرانك ميرميه الذي اهتم بالكتاب منذ صدوره، استلم إدارة سلسلة‫ «ترافيرسيه» في دار نشر «بريري أوردينير» وقرر افتتاح المجموعة بهذا الكتاب (فيما يخص النصوص المترجمة عن العربية، فلقد صدر في نفس السلسلة وبنفس التاريخ كتاباً مترجماً عن التركية يتناول موضوع الإبادة الأرمنية).‬


ماريان بابوت‫:‬ هذا مشروع ناتالي‫.‬ هي التي ناضلت من أجل صدور الكتاب‫.‬ اقترحت علي أن نتشارك ترجمته في أيلول ٢٠١٣ حين أتيحت لي فرصة المشاركة في ورشة إستضافة لمترجمين نظمتها المدرسة الدولية للمترجمين الأدبيين‫.‬ شعرنا وقتها أننا قد نعطي فرصة لكتاب ‫«‬بالخلاص يا شباب‫»‬ باقتراحه كمادة للعمل في الورشة‫.‬ وتبين أن فكرة ناتالي كانت صائبة رغم أن مقترح النشر جاءنا في المحصلة من جهة أخرى‫! كان لا بد لي نظراً لارتباطي الشديد بسوريا وبثورتها أن أتحمس دون تردد للعمل على نصوص ياسين الحاج صالح المعروف بشجاعته كمعارض سياسي قديم. ثم اكتشفت نص الكتاب، تقريباً بالتزامن مع بدء العمل على ترجمته، فتبنيت المشروع شيئاً فشيئاً على المستوى الشخصي والملموس. خلال مشاركتي في هذه الترجمة، انتابني أحياناً إحساسٌ مفرحٌ للغاية بأنني أقوم بعمل صحيح وصائب. لأن هذا الكتاب ثمين على عدة أصعدة، أولاً لأنه يحكي سوريا معيَنة، تلك التي يجهلها كثيرون والتي عانت مدى أربعين عاماً قبل أن تظهر أمام أعين العالم أجمع بهيئة مأساوية للغاية.‬
يروي كيف أن اعتقال حيوات بأكملها في السجن، بالآلاف وبعشرات الآلاف كان منذ الثمانينيات أسلوباً ممنهجاً واعتيادياً لنظام الأسد في حكمه للبلاد‫.‬ ويروي من هنا كيف كان على هذه الأجيال المعتقلة أن تتعلم تقبل وجودها اللامعقول في المعتقل كشيئ ‫«‬اعتيادي‫».‬ يبدو لي من تجربتي في العمل في السجون في فرنسا أن بناء الروتين أو هذا ‫«‬الاستحباس‫»‬ الذي يتكلم عنه ياسين في كتابه أي إقامة نقاط علام في التآلف مع المكان والزمان بين حيطان المعتقل الأربع هو أساسيٌ جداً في حياة المعتقلين‫.‬

ياسين الحاج صالح يطرح الموضوع بقوة وبالتفصيل ويضفي على معركة كل إنسان من أجل إنقاذ شعوره بالذات وبالكرامة وبالمغزى في وجه الظروف مهما كانت، بعداً كلياً أممياً‫.‬ هذا ما فضلته في هذا العمل فهو يساهم في التذكير بأن الصراعات العديدة التي يخوضها السوريون هي ذات بعد إنساني شامل‫.‬


رواء‫:‬ كيف عشتما مهنياً هذه الترجمة على الصعيد اللغوي؟ هل واجهتكما صعوبات معينة خاصة بأسلوب ياسين الحاج صالح في الكتابة؟


ناتالي:‬ لا‫.‬ هذا النص مكتوب بلغة سلسة جداً لا تشكل صعوبات كبيرة في الترجمة‫.‬
رغم ذلك سألنا الكاتب عن تفاصيل حياته اليومية في السجن كي نقترب قدر الإمكان من الواقع الذي عاشه‫.‬
أما نص ‫«‬المنسى السوري‫»2الذي كتب لاحقاً والموجود في الإصدار الفرنسي من الكتاب شكل بالنسبة لنا مشكلة لغوية‫ فهو يستخدم فيه كلمة من إبداعه هي «المنسى» والتي بنيت على وزن لغوي اعتيادي في اللغة العربية وبالتالي يسهل على القارئ العربي فهمها. إلا أنها غير قابلة للترجمة. لجأنا إذن لاستخدام عبارات مصورة أمثال «أرض النسيان» وكان علينا تنويعها لأن اللغة الفرنسية بعكس العربية لا تحتمل التكرار اللغوي. تدور صياغة النص العربي كلها في مقام واحد هو النسيان ومقابله: الذكر، إلا أننا في الفرنسية حاولنا تنويع الصيغ فتارة «المنسيون» وتارة أخرى «هؤلاء الذين لا يُعترف بوجودهم» الخ. ‬

ماريان‫:‬ بشكل عام، لا‫.‬ كما قالت ناتالي إن كتابة ياسين سلسة ودقيقة‫.‬ لكن علي أن أعترف بقليل من الحرج أنني واجهت بعض الصعوبة أحياناً أمام تكرار بعض العناصر في النص من ألفاظ و أفكار‫.‬ تحتمل اللغة العربية التكراربسهولة أما اللغة الفرنسية وعلى الأخص دور النشر الفرنسية فلا تحتملها أبداً‫.‬ هذا ما جعلني في بعض الأوقات، عندما كانت تنفذ مني المرادفات والخدع اللغوية، أحرد قليلاً من النص‫….‬ لكن لا يسعني في تلك الحالات إلا أن ألوم نفسي على استنفاذي للمصادر الممكنة‫!‬

رواء‫:‬ تقنياً كيف تقاسمتما هذا العمل المشترك؟

ناتالي:‬ تقاسمنا الأجزاء فيما بيننا وعندما انتهينا من ترجمتها وحدنا صياغة النص كله‫.‬

ماريان‫:‬ تقاسمنا أجزاء الكتاب بشكل متساو‫.‬ ولكن سؤالك هذا يتيح أمامي الفرصة لأقول بأنني في هذا العمل كما في أعمال أخرى تلميذة ناتالي‫.‬ لقد كانت مدرستي في الترجمة في دمشق وإحدى المشرفات على عملي في مدينة آرل ومدبرة ومراجعة ترجمة هذا الكتاب‫.‬ التنسيق الذي تتحدث عنه ناتالي، هذا التنسيق الذي اوجد من أجل توحيد صياغة العمل لغوياً‫…‬ هو من فعل ناتالي‫!‬


رواء‫:‬ لماذا هذا العنوان ‫«حكايا من سوريةٍ منسية»‬ في الإصدار الفرنسي بينما يحمل الكتاب في نسخته الأصلية عنوان «بالخلاص يا شباب‫!‬» ؟


ناتالي‫:‬ اقترحت ماريان في بادئ الأمر عنوان «لنا الفرج‫!‬» ‫.‬ أعجبني العنوان وكان متناسباً مع أحد محاور الكتاب المهمة هو الاجتياز، وكانت قد استغنت فيه عن عبارة «يا شباب» التي لا مرادف سهلاً لها في الفرنسية‫.‬ أراد الناشر تغيير العنوان‫.‬ اجتمعنا حينئذ مع ماريان بابوت وفرانك ميرميه للتفكير في مقترح بديل‫.‬ الإصدار الفرنسي من الكتاب يحوي نصين جديدين‫:‬ شهادة ياسين الحاج صالح عما عاشه خلال الثورة السورية ونص ‫«المنسى» وهو تحليل لفكرة النسيان أو فقدان الذاكرة كفعل سياسي مقصود لمحوِ آلام شعب بأكمله من الوعي العام.‬
هذان النصان متعلقان بصدور الكتاب عام ٢٠١٥، أي في السنة الخامسة من المأساة السورية التي لم تعد تلفت الأنظار مع مرور الزمن‫.‬ بالتالي لم يعد هذا الكتاب يتناول موضوع السجن فقط‫.‬ والنسيان الذي أراد الكاتب محاربته في بادئ الأمر والذي أصاب آلام أجيال بأكملها من المعتقلين السياسيين في الثمانينيات أضيف إليه نسيان آخر هو اللامبالاة الحالية تجاه مصير السوريين في بلدهم اليوم والجالية العملاقة التي شكلوها في الخارج‫.‬ لذلك حاولنا إيجاد عنوان يجمع بين كل هذه المواضيع وكان هذا العنوان ‫«حكايا من سورية منسية، إخراج الذاكرة من السجون».‬
ماريان:‬ جوابي مطابق لما قالته ناتالي‫.‬


رواء‫:‬ كيف تنظران لهذا الكتاب؟ هل هو من كلاسيكيات أدب السجون أم أنه فريد من نوعه يقترن بكتابات علم الاجتماع مثلاً؟

ناتالي:‬ لقد أجبت عن هذا السؤال في السؤال الأول‫.‬


ماريان‫:‬ حسب ما أعرف عن النمطين الذين تتحدثين عنهم سأقول أنه كتاب لا يندرج لا ضمن هذا النمط ولا ذاك‫.‬ يقول نص الكتاب عن نفسه أنه لا ينتمي لأدب السجون بل للأدب ‫«من خلال» السجن (أو «بفضل»). صحيح أن الكاتب لا يعتمد أسلوب التنديد الهجومي بالسجن أو بمن يحكم السجن أو بالممارسات المسيئة التي تمارس فيه. التنديد ليس هدفه. ولا الاستحضار الداخلي الأليم هدفه. ولا يندرج برأيي ضمن كتابات علم الاجتماع لأنه لا يسعى للالتزام بخطاب معين ولا لمساءلة واقع جماعي بشكل منهجي. يبقى أن الكتاب بحد ذاته مهم جداً على صعيد علم الاجتماع. إن كان علينا تحديد النمط الأدبي لهذا الكتاب فلماذا لا نعتمد ما قال عنه ياسين في صفحاته: ليس له نمط. ‬


رواء‫:‬ كيف تريان اللغة العربية؟ كيف يمكنكما وصف علاقتكما بهذه اللغة أو التحدث عنها وكيف تعيشانها مقارنة باللغة الفرنسية؟

ناتالي‫:‬ أعتقد أنني أتحدث اللغة العربية في حياتي اليومية تقريباً بقدر ما أتحدث الفرنسية بما أنها اللغة التي أستخدم مع زوجي ومع عدد من الأصدقاء السوريين الذين باتوا يعيشون في فرنسا‫.‬ كما أني أعلمها، وأحاول دائماً تعليمها كلغة حية كما كنت أعلم الفرنسية في دمشق‫ وأحاول بشكل سريع تمكين الطلاب من التكلم باللغة العربية في مشاهد الحياة اليومية. يولد عندي شعوراً بالرضى عندما أرى الطلاب يتبنون اللغة خاصة أنني تعلمتها أنا نفسي على نسق اللغة اللاتينية ولم أتمكن من تبنيها كلغة حية إلا بعدما بدأت بالسفر. وأعمل أيضاً في الترجمة وهذا يسمح لي بالاستمرار في التعلم دائماً لأني أخرج من كل عمل ترجمي جديد بذاكرة جديدة للغة. وأستمتع أيضاً ولو بشكل متقطع بقراءة بعض أبيات الشعر العربي القديم وهي محفز دائم لي.‬
لا يمكنني مقارنة علاقتي بالعربية بعلاقتي بالفرنسية، يبدو لي أنهما متشابكتين بداخلي تماماً دون أن أخلط بينهما في الكلام‫.‬

ماريان‫:‬ بالنسبة لي يوجد عدة لغات عربية في حياتي‫، لغة الدراسة واللغة الفصحى التي تعلمتها كمجموعة من القواعد النحوية المركبة، الصعبة والممتعة في آن، كانت تلقن لنا كنوع من الطقس المقدس.‬ أما المفردات فظهرت لي كبئر عميق من الأدوات الدلالية ذات دقة لامتناهية قد يحوي مثلاً على عشرات الألفاظ الدالة على «الجمل» ‫(‬هذا ما يقال ولكني لم أتأكد من الموضوع‫!). هناك لغة صديقات الطفولة التي هي مزيج من الفرنسية والقبائلية والعربية وأنغام غائمة في ذاكرتي استعدتها لاحقاً عندما ذهبت إلى الجزائر. وهناك العربية السورية التي أصبحت إحدى لغتَي حياتي اليومية في العائلة ومع الأصدقاء. أن أقارنها بالفرنسية؟ لا أفعل هذا بشكل تلقائي إلا في الترجمة، فالمسألة كلها تكمن في ايجاد الحد الواصل بين اللغتين… وهنا تظهر مكامن كنوز كلتا اللغتين. إلا أنهما تبقيان بالنسبة لي فريدتين لا تقبلان الاختزال ولا المقارنة. ‬
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1 المصطلح الفرنسي المستخدم في نص المقابلة الأصلي هو مصطلح من علم النفس الحديث ويعني امكانية اجتياز المحن القاسية جداً بنوع من المرونة التي تسمح ورغم الصدمات بالاستمرار بنفس الصلابة